Texte du courrier de Martine Chapuis : Ci-joint un problème combinatoire auquel j'ai été confronté en faisant des exercices sur les rectangles latins. Serait-il possible de trouver des ouvrages ou des spécialistes faisnat de la vulgarisation détaillée précisément sur ce problème ?
Avec mes remerciements.
En fait ce problème est équivalent à un grand problème célèbre, dont l'origine remonte à Euler, celui de l'existence de "plans projectifs finis". Cette équivalence nous était inconnue avant le courrier de Martine Chapuis, que nous remerçions. (nous serions d'ailleurs heureux de connaître l'origine des "rectangles latins")
Hélas il n'existe pas, à notre connaissance, de
documentation vulgarisée sur cette question :
Signalons un livre récent sur les carrés magiques (mais qui ne va, nous semble-t-il, pas très loin) :
Auteur(s) : Descombes René
Titre : les Carrés magiques Histoires, théorie et technique du carré magique, de l'Antiquité aux recherches actuelles
Editeur : Vuibert Paris, 2000 (descriptif complet plus loin)
Nous avons aussi trouvé un cours de DEUG de géométrie qui montre comment la recherche actuelle aborde la question : mais c'est très académique ... difficle d'y retrouver vraiment ses petits...
http://www.ceremade.dauphine.fr/~msfr/ens/geo.pdf
site correspondant accessible par http://www.ceremade.dauphine.fr/~msfr/
Ci-dessous nous expliquons la relation entre
le problème des rectangles latins et celui des plans
projectifs
Espèrons que ces considérations seront
compréhensibles et en tout cas qu'elles permettront d'
orienter les recherches documentaires sur cette question.
Les mots-clefs savants pertinents sont
corps finis, (et un peu aussi groupes finis)
géométries finies,
configurations (designs en anglais)
plans affines (finis)
plans projectifs (finis)
carrés gréco-latins
théorème de Désargues
Du rectangles latin au plan projectif
Prenons un rectangle latin à N lignes
et n = N^2-N+1 colonnes et donc n symboles.
Exemple (Martine Chapuis)
Appelons "point" chaque symbole.
Associons à chaque chaque colonne l'ensemble des
symboles qui y figure et appelons cet ensemble une "droite". Il
résulte des propriétés des rectangles latins que
l'on a :les propriétés suivantes pour les points et les
droites :
1) Chaque point appartient à N droites
2) Chaque droite contient N points
3) Par deux points différents passe une droite et une
seule
4) Deuc droites différentes se coupent en un point et un
seul
Ce sont très exactement les propriétés de ce
qu'on appelle un plan projectif d'ordre N-1 (exemple rentrant dans la
catégorie plus générale des
("géométries finies").
Du plan projectif aux rectangles latins
Réciproquement donnons nous un
plan projectif d'ordre
q = N-1, c'est à dire un
ensemble d'éléments (appelés points) et un
ensembles d'ensembles à q+1 éléments
(appelés droites) qui vérifient les
propriétés 1 à 4 ci-dessus. On montre assez
facilement qu'il y a n=q2+q+1 points et
n=q2+q+1 droites.
Il résulte d'un théorème de combinatoire ( le
théorème des
mariages) qu'il existe une
manière de colorer tous les couples de la forme (P,D),
où P est un point et où D est une droite contenant ce
point, en respectant les conditions suivantes :
Le nombre de couleurs utilisé est alors, nécessairement q+1.
Désignons les points par des
numéros : 1,2,3,..., n les points
Numérotons aussi les couleurs : 0,1,2,3,...,q.
On peut alors dresser un tableau à q+1 lignes (représentant les couleurs) et n colonnes (représentant les points et aussi les droites) :
On met en ligne n°1 la liste des points : 1,2,3,..., n. Pour chacun de ses points, soit k, on considère le couple de couleur 0 qui contient ce point , soit (k,Dk). La droite Dk sera l'ensemble des points de la colonne numéro k
Pour tout point P de la droite Dk soit j(P) la couleur du couple (P,Dk). On place alors le numéro du point P en position n° j(P) dans la colonne n° k
On vérifie alors facilement que le tableau ainsi construit est un rectangle latin à q+1 lignes et n colonnes. (A chaque plan projectif correspond ainsi plusieurs rectangles, puisque, pour un ordre des points fixé, à des colorations différentes correspondent des rectangles diiférents).
Plans projectifs et carrés latins
On peut associer à un plan projectif d'ordre q des carrés latins d'ordre q de la manière suivante.
On fait jouer aux deux points 0 et q un rôle particulier : les droites D(0,j) (j variable) vont constituer les lignes d'un tableau carré, les droites D(q,k) (k variables) les colonnes. Nous noterons P(j,k) point d'intersection des droites D(0,j) et D(q,k).
A chaque entier i = 1,2,...,q-1 on associe un carré latin Li à q lignes et q colonnes en mettant dans la case (j,k) de ce carré (j-ème ligne et k-ème colonne) le numéro de la droite passant par i et par le point P(j,k).
On remarque que deux à deux ces
carrés latins L1,
L2, ..., Lq-1 sont
"orthogonaux", c'est à dire que si on les superpose, on voit
apparaitre chaque couple de numéros (a,b) une fois et
une seule. (Un tel couple de carrés latins orthogonaux est
connu sous le nom de carré gréco-latin) Exemple avec q=3 123
132 Leur superposition : 11 23 32
Inversement, on peut montrer que la donnée de q-1
carrés latins deux à deux orthogonaux permet de
construire un plan projectif d'ordre q.
231 et 213
312 321
sont deux carrés latins d'ordre 3 orthogonaux.
22 31 13
33 12 21
Les plans projectifs sont l'objet de nombreuses recherches. Pour quels ordres existent-ils, on ne sait pas. On connait des constructions de plans projectifs d'ordre q qui utilisent la géométrie des espaces vectoriels finis (de dimension 2) définis sur le corps à q éléments (un corps à q éléments n'existe que si q est un nombre premier ou une puissance de nombre premier (exemples q= 2,3,4,5,7,8,9,11,13,16,17,...). Ces plans sont désarguésiens.por q>2 (voir définition plus loin) On connait aussi quelques exemples non désarguésiens, avec des constructions différentes.
Euler a montré qu'il était impossible de trouver deux carrés latins orthogonaux d'ordre 6 (problème connu sous le nom de problème des 36 officiers : ils proviennent de 6 régiments différent et représentent les 6 grades possibles de l'armée ;on aurait voulu les disposer en carré de manière que dans chaque rangée (ligne ou colonne), le grades soient différents et les régiments aussi).
Donc pas de plan projectif d'ordre 6 non plus ! ... et pas de rectangle latin 7x43 !
Euler a conjecturé qu'il était
impossible de trouver deux carrés latins orthogonaux d'ordre
4k+2 pour k supérieur ou égal à 1. Cette
conjecture s'est avérée complètement fausse :
c'est le contraire qui est vrai.
Pourtant, il n'existe pas de plan projectif d'ordre 10 . Cela a
été montré en 1985 avec l'aide de l'ordinateur.
Donc pas de rectangle latin 11 x 111..
Les plans désarguésiens
L'exemple de l'énoncé a des propriétés géométriques intéressantes.
En géométrie classique on a le
théorème suivant (variante du théorème de
Désargues, pas facile à
prouver par le calcul, la démonstration classique par la
géométrie consistant à regarder la situation en
dimension 3),
Prenons deux droites (D) et (D') sécantes et prenons un point
Z hors de (D) et (D')
On choisit maintenant deux droites
passant par Z , coupant respectivement (D) et (D') en A et A' pour la
première, B et B' pour la seconde. On dit alors que le
point N , commun aux droites (AB') et (A' B) est
conjugué (harmonique) de Z par rapport aux droites (D)
et (D').
Il se trouve que l'ensemble des points conjugués de Z
possibles (par rapport aux droites fixes (D) et (D') ) est une
droite, que l'on peut appeller la conjuguée (harmonique) de Z
par rapport à (D) et (D'). Cette droite est concourante avec
(D) et (D').
Un plan projectif pour lequel la propriété ci-dessus
est vraie (quelque soit les droites (D), (D') et le point Z
n'appartenant ni à (D) ni à (D')) est appelé
désarguésien.
Nous pensons que le plan projectif correspondant à ton
rectangle 5 x 21 est désarguésien:
Exemple (évidemment insuffisant pour une preuve, ...).
On suit ici les notations de ton document, les points
étant écrits dans l'ordre où ils apparaissent
dans le rectangle .
Droites choisies (D)= ABEOQ et (D')= BCFPR point choisi M
Essai avec les droites (MA) et (MC) :
La droite (MA) est RSAKM d'où les points de rencontre avec (D) et (D') : A et R
La droite (MC) est TUCMO d'où les points de rencontre avec (D) et (D') : O et CLa droite (AC) est HILAC
La droite (OR) est NORGI
On recommence avec les droites (MA) et (MF)
(MA)= RSAKM -> points A et R
(MF)= MNQFH -> points Q et F
- > (AF)= FGJTA
- > (QR)=QRUJL
On recommence avec les droites (MR) et (MP)
(MR)= RSAKM -> points A et R
(MP)= LMPEG - > points E et P
- > (ER)= DEHRT
- > (AP)= UADNP
Conformément au théorème de Désargues, les points I, J et D sont bien alignés sur la droite IJMBD qui passe, c'est bien normal, par le point B, commun aux droites (D) et (D').
------------------ Un livre récent sur les carrés magiques -----------
Auteur(s) : Descombes
René
Titre : les Carrés magiques Histoires, théorie et
technique du carré magique, de l'Antiquité aux
recherches actuelles
Editeur : Vuibert Paris, 2000
Format : 17,5 cm x 24 cm, 496 p. Bibliogr. p. 483-493
ISBN : 2-7117-5261-5
Type : ouvrage (au sens classique de l'édition),
Langue : Français, Support : papier
Utilisation : enseignant, public cultivé
Résumé :
L'ouvrage regroupe en 38 rubriques 250 études portant sur tous
les types de carrés magiques et les constructions les plus
classiques apparues au fil des
siècles.
L'auteur familiarise le lecteur avec les conventions, présente
les carrés latins, les carrés eulériens ou
gréco-latins, avant d'aborder le carré au point de
vue
mathématique (propriétés remarquables du
carré algébrique ou géométrique).
Après un détour par les pavages sont
présentées les propriétés
mathématiques des carrés magiques.
Ensuite sont proposées plusieurs méthodes de
construction de ces grilles numériques telles que les
carrés magiques d'ordre impair ou d'ordre pair, les
carrés magiques associés, les bimagiques et les
magiques jumeaux, les hypermagiques et les mosaïques, des
carrés magiques particuliers comme les
carrés magiques en progression arithmétique ou
impairement pairs ou encore à enceintes accompagnés des
divers procédés de construction...
Les derniers chapitres sont occupés d'abord par la
présentation de carrés magiques de plus en plus
complexes (carrés magiques multiplicatifs, carrés
magiques en progression non régulière) puis par des
extensions aux cercles magiques, aux dominos magiques, aux jeux de
grille (jeux de société, nombres
croisés... ), aux cubes magiques et enfin à des
programmes informatique de construction de carrés
magiques.
Dans un des derniers chapitres sont rappelés des formules
mathématiques utiles dans certaines méthodes de
construction des carrés magiques telles que
le nombre d'arrangements ou de permutations, la somme d'une
progression arithmétique ou géométrique.
Notes :
En début d'ouvrage est présent un
tableau-résumé des méthodes de construction de
carrés magiques présentées dans l'ouvrage. Et en
fin d'ouvrage figure
un glossaire.
Cet ouvrage est l'objet d'une recension sous la rubrique
"matériaux pour une documentation" le Bulletin de l'APMEP
n° 427.