Petit mémento de l'atelier
"MATh.en.JEANS"
Repères pour le
professeur
Présenter et rappeler les objectifs, (re)négocier
les règles.
- Invitons les élèves à faire des mathématiques autrement,
pour le plaisir, entraînons-les à réfléchir, aidons-les à chercher, à trouver,
mais ne faisons pas à leur place.
- Facilitons psychologiquement et matériellement leur
travail. Discutons avec eux et décidons ensemble des orientations possibles
de la recherche.
- N'apportons des outils de résolution qu'à la demande.
Observer, être attentif, analyser (mémoriser, rassurer,
anticiper).
- Assurons-nous que le sujet est bien compris. Suivons
et comprenons leur démarche.
- En invitant au questionnement («Quelle question vous
posez-vous ? Quelle question me posez-vous ?»), faisons que les situations
prennent du sens pour les élèves. Aidons à préciser (mathématiser) les formulations.
Dévoluer, motiver, responsabiliser.
- N'apportons pas de solution ou de réponse définitive
: aux élèves de se représenter les situations, d'organiser leur pensée et
leur travail. La meilleure intervention est souvent le silence.
- Donnons aux élèves des repères dans leur travail et
des moyens de contrôle (expérimentation, débats, vérification, documents)
- Repérons discrètement des occasions d'apprentissage
pour d'éventuelles mises au point futures. Pointons notamment les notions
dont l'usage est méconnu, sans s'en étonner à haute voix.
Faire débattre, débattre, mathématiser.
- Les énoncés des élèves doivent être clairs pour tous,
particulièrement, en situation de débat ou de mise en commun.
- Distinguons affirmations, règles (expérimentales)
et théorèmes. Mettons en doute, demandons des argumentations, des preuves.
Apportons pour cela une terminologie adaptée (hypothèse, conjecture, loi,
preuve, théorème, résultat).
Orienter, faciliter et valider la recherche.
- Informons le chercheur et décidons ensemble de certaines
consignes et orientations. Expliquons aux élèves pourquoi (enlisement, déviation,
évitement, absence de vérification, langage inadapté,...)
- Faisons comprendre et apprendre le fonctionnement
des outils institutionnels utilisés (sans que les élèves y perdent leur motivation
ni le contrôle de leur démarche).
- Avec l'aide éventuelle du chercheur, validons les
résultats de la recherche, donnons leur un statut mathématique. On discutera
en particulier :
- l'exactitude du vocabulaire utilisé,
- la cohérence des argumentations avec le but
formulé,
- la validité des preuves, des définitions et
des autres résultats,
- la pertinence des savoirs mis en jeu,
- la correspondance des résultats avec les objectifs
poursuivis.
Aider, apprendre (fournir des outils).
- Répondons à la demande des élèves quant aux outils
et aux documents tout en restant prudent : attention à ne pas "tuer"
la recherche, à ne pas créer d'obstacles pour la compréhension de l'objet
de recherche (qui ne serait vu qu'à travers le prisme de l'outil) ou pour
la compréhension de l'outil lui-même (qui deviendrait un attribut de l'objet
de recherche sans acquérir pour les élèves une fonction autonome).
- Comme en classe, c'est au maître de prévoir et de
surmonter les difficultés liées à l'emploi d'un outil. A la différence de
la classe, ce sont les élèves qui formulent leur demande (« Nous avons besoin
de quelque chose qui ferait cela...»). Il sera préférable d'apporter les outils
de manière décontextualisée et officielle, en expliquant leur fonction et
leur technique, mais sans se prononcer sur leur pertinence pour la recherche
en cours.
Repères pour
le chercheur
S'informer. Concevoir et présenter des sujets. Motiver.
- Quels sont les intérêts et les attentes des enseignants
et des élèves ? Quels sont les outils vraiment disponibles pour eux ? (Les
jeunes sont à la fois très intelligents et très ignorants !)
- Les sujets doivent avoir du sens pour les jeunes.
Avec l'aide de l'enseignant, il s'agit de s'adresser à tous (thèmes et cadres
variés), et de séduire : problématiques vastes, actuelles, "naturelles",
abordables (au moins une piste exploratoire immédiate), vocabulaire courant,
exposé vivant...
Encourager, donner confiance, déculpabiliser.
- Rien n'est évident (une question "triviale"
ne l'est pas pour tous, un problème "naturel" peut paraître saugrenu,
artificiel ou gratuit), mais, hors la technicité savante, aucune problématique
n'est a priori inaccessible : les jeunes ont des idées et ils ne vont pas
aborder la question comme nous ; des argumentations intuitives auxquelles
nous n'avons pas songé peuvent s'avérer transformables en vraies preuves.
- Il est normal de ne pas savoir (c'est pour cela que
l'on cherche !) ; il est bon de tâtonner ; il est banal de se tromper...
Populariser les mathématiques de la recherche (informer,
éclairer, séduire) .
Adressons-nous au coeur et à la raison. En éliminant
techniques et mots "savants", répondons à la curiosité des jeunes
sur notre métier, sur notre goût des mathématiques et de la recherche (enthousiasmante,
gratuite, patiente, utilitaire, esthétique, fastidieuse, créatrice, désintéressée,
etc.). Éclairons, si possible, les programmes scolaires, en dégageant une
cohérence et une perspective (en les reliant plutôt aux mathématiques actuelles
qu'aux sujets proposés).
Initier à la démarche de recherche mathématique et
à la preuve, légitimer
- Ne résolvons pas à la place des élèves : c'est eux
qui travaillent, qui cherchent, qui trouvent. Donnons leur des conseils méthodologiques
: apprivoiser les objets étudiés, s'informer, relier à d'autres champs, choisir
ses définitions, reformuler, multiplier et trier les questions, conjecturer,
adopter des hypothèses, expérimenter, envisager des exemples, des contre-exemples,
conserver ses notes, faire le point, vérifier, analyser ce qui marche et ce
qui ne marche pas, remettre en cause... Montrons la particularité des règles
de la rationalité scientifique.
- Une idée importante à transmettre, avec le relais
des enseignants, est celle de la double approche : d'un côté, le chercheur
s'attache à comprendre et à élargir ce qu'il sait en allant le plus loin possible
(développements, approfondis-sements) ; de l'autre, il essaye de cerner la
difficulté en s'intéressant au cas résistant le plus simple.
- Donnons une légitimité aux nouvelles démarches et
constructions des élèves. Expliquons le statut des énoncés (définitions, axiomes,
question ouverte, conjecture, loi expérimentale, théorème, démonstration.)
; soulignons le rôle et le caractère provisoire des hypothèses, des notations
et définitions (consistance locale, recherche d'une contradiction).
Diriger les recherches (alimenter, contrôler, évaluer,
valoriser)
- Posons les "bonnes questions". Expliquons
pourquoi certaines pistes paraissent sans avenir, d'autres intéressantes.
En coopération avec les enseignants, suggérons éventuellement d'autres approches
ou outils, en expliquant leur pertinence et leurs limites. Enrichissons et
organisons la recherche (documents, suggestions, théorèmes ou définitions
utiles) ; Orientons les activités en distinguant les questions centrales et
périphériques. Proposons des partages du travail.
- Favorisons l'émergence et la conduite de projets de
recherche :
- identification et formulation de problèmes cibles,
d'objectifs révisables, généraux et intermédiaires,
- constitution de théories locales, souci de cohérence
globale,
- utilité d'une anticipation quant à la forme et
la fonction des résultats escomptés (le chercheur novice est ignorant
dans ce domaine. Que cherche-t-on ? De quel type va être le résultat ?
Qu'en fera-t-on ?).
- Avec les enseignants, contrôlons la mathématisation
des sujets étudiés et la mathématicité des travaux menées. Vérifions et commentons
les preuves, les résultats, les formulations, les outils et méthodes (intérêt,
portée). Mettons en évidence les hypothèses utilisées, les concepts unificateurs,
l'intérêt et la pertinence des travaux. Relevons les insuffisances : plutôt
qu'un jugement d'autorité, exprimons notre doute, apportons des contre-exemples,
suggérons des prolongements, des réajustements, des simplifications, des notations.
Apprécions les résultats à l'aune des objectifs visés et de la maîtrise de
leurs auteurs (évaluation analogue, toutes proportions gardées, à celle d'un
mémoire de DEA).
- Aidons aux mises au point, aux réorganisations et
à l'important "travail de deuil" (abandon des travaux obsolètes
ou des pistes trop coûteuses, sacrifice des résultats mineurs).
- Organisons et aidons la communication : comment présenter
clairement le sujet, éveiller l'intérêt du public, mettre en valeur et choisir
les résultats ? Jouons le rôle du "chairman" pour libérer les jeunes
conférenciers des soucis matériels et techniques lors des exposés. Comment
utiliser des transparents ? Le tableau ? Le temps ? Comment rédiger un article
?
Repères pour
les élèves : règles du jeu
Nous sommes là pour chercher ensemble, sur des sujets bien
définis. La recherche demande une certaine continuité ! On admettra donc que chacun
participe régulièrement au travail et aux discussions.
Nous avons du temps devant nous. Nous réfléchissons nous-mêmes,
à notre manière. Nous pouvons demander conseil au professeur ou au chercheur :
ils suivent et aident notre travail mais ne peuvent pas répondre à notre place.
Ils ne sont pas là pour nous noter.
Qui dit recherche dit équipe de recherche. Nous fonctionnerons
donc sur la base de groupes de 3 ou 4 élèves, groupes qui resteront stables. Chacun
fera profiter les autres de ses idées et de ses résultats.
Les sujets de recherche sont proposés par le chercheur et
le professeur. Mais chaque élève, ou groupe d'élèves peut suggérer de nouvelles
pistes, ou de nouveaux problèmes.
Pas de recherche sans mémoire. Chaque groupe a donc un cahier
de recherche dans lequel il consigne ses résultats. Au début de chaque séance,
il désigne un secrétaire. A la fin de chaque séance, il réserve 10 minutes pour
faire le bilan de ses résultats. Le secrétaire consigne ce bilan sur le cahier,
et en rend compte en début de la séance suivante.
Nous discuterons périodiquement de notre sujet avec d'autres
équipes de recherche avec lesquelles nous échangerons et vérifierons nos résultats.
Nous rendrons public nos résultats communs pour que d'autres puissent continuer
notre travail.
Aucune règle n'est immuable : nous verrons ensemble, à l'usage,
s'il faut en modifier, en ajouter, ou en retrancher...