Comptes Rendus MATh.enJEANS, 04-04
Club Math en Jeans du Lycée Blaise Pascal (Orsay &endash; Essonne). Atelier scientifique année 2003-2004.
Professeurs : Chantal BASTIN, Nadine DELBARRE, Denis JULIOT, Didier MISSENARD
Chercheurs : Cédric BOUTILLIER, Aurélien GARIVIER (Moniteurs Université Paris Sud, Orsay), Pierre PANSU (Université Paris Sud, Orsay ), Frédéric PAULIN (ENS),
[Sujet initial de Pierre PANSU]
I. Le problème
Un cavalier se déplace le long dčune bande, divisée
en cases numérotées par les entiers naturels,
n étant le numéro attribué la
nième case en partant de lčorigine. Le
cavalier peut se déplacer soit de
p cases, soit de
q cases
(), en avant ou en
arrière. On place sur cette demi-droite un mur, auquel
correspond le numéro m (
), qui empêche le cavalier de passer
par une quelconque case dont le numéro est strictement
supérieur à celui du mur.
On demande si lčon peut placer le mur de manière à ce que le cavalier, en partant de la case 0, puisse atteindre toutes les cases situées entre la case 0 et la case m (au sens large), et, si cela est possible, quelles valeurs peut on donner à m.
II. Condition nécessaire pour lčexistence de m.
On exclut le cas où , où
on a trivialement
Il est évident que toutes les cases pouvant être
atteintes par le cavalier ont un numéro qui peut
sčécrire sous la forme (
Z), donc
divisible par
. On doit
donc avoir, si lčon veut atteindre toutes les cases,
.
On supposera donc que et que
dans la suite de
lčexposé.
III. Existence de m sous la condition précédente.
Montrons que convient.
On va commencer par montrer que pour tout , il existe
tels que
.
En effet, dčaprès le théorème de
Bézout, il existe Z tels que
, soit, pour tout
Z,
.
Or, pour que et
, il faut et suffit que
. Or, il
existe toujours un entier dans lčintervalle
, puisqučil est dčamplitude
.
CQFD.
Pour tout , il existe donc
tels que
, et la case
x peut donc être atteinte par le
cavalier qui, en faisant
pas de p cases en avant et
pas de
q cases en avant,
arrive sur la case souhaitée en passant par des cases de
numéros croissants, et donc ne dépasse pas le mur, dont
le numéro est supérieur ou égal à celui
de la case que lčon souhaite atteindre.
Dčautre part, soit ,
le quotient et
le reste
de la division euclidienne de
par
. On a
,
dčoù
. On a
, donc
est atteignable. On peut donc
atteindre la case x en se
rendant dčabord sur la case
, puis en reculant de
fois de
, et ce
quelque soit
. Comme on
peut aussi atteindre les cases de
E,
convient
donc (puisque
).
m existe donc. CQFD.
IV. Ensemble des valeurs pouvant être prises par m.
Soit m1 une valeur possible de m. Montrons que tout m'> m1 est également une valeur possible de m.
En effet, on a clairement (puisque pour atteindre toutes les cases de
, il faut faire au moins un
déplacement).
Soit et
r le reste de la division euclidienne de n par
.
, donc la
case r est atteignable sans dépasser
le mur placé en mč. Pour atteindre la case
n sans dépasser ce même
mur, il suffit dčaller en r, puis dčavancer du bon nombre de fois
de
cases.
CQFD.
Ainsi, pour déterminer lčensemble des valeurs pouvant être prises par m, il suffit de déterminer le plus petit élément de cet ensemble. Lčensemble recherché sera alors composé de tous les entiers supérieurs ou égaux à ce plus petit élément.
V. Plus petite valeur pouvant être prise par m.
On va montrer que cette plus petite valeur est .
a.
Montrons que toutes les cases peuvent être atteintes avec un
mur placé à .
Pour cela, commençons par remarquer que si lčon peut
atteindre toutes les cases de en partant de la case 0, on peut aussi le
faire en partant de nčimporte quelle case de
. En effet, il suffit pour cela de se rendre
de la case de départ à la case 0 (en suivant le chemin
inverse de celui que le cavalier suit pour aller de la case 0
à la case de départ), à partir de laquelle il
est possible de se rendre sur nčimporte quelle case de
(par hypothèse).
Le mur étant placé en , demandons au cavalier,
initialement placé sur la case
, de réaliser le parcours
suivant : sčil peut reculer de q cases ou avancer de p cases, il le fait (les deux ne sont
pas possibles simultanément, puisque la longueur de segment
qučil peut parcourir est de
cases),
sinon il sčarrête.
En notant xn le numéro de la case où se trouve le cavalier après le nième déplacement (x0 étant par convention la case de départ du cavalier), on a donc :
Si , le cavalier sčarrête.
Nous allons montrer qučen suivant un tel parcours, le cavalier
passe nécessairement une unique fois par toutes les cases de
, et
seulement celles-ci.
Il est clair que par construction, la suite est
à valeurs dans
, et que
pour tout n pour lequel
est défini, il existe
tels que
et
, le cavalier ne faisant que
des déplacements de
p cases en avant et des
déplacements de
q cases en
arrière.
Montrons, par lčabsurde, que cette suite ne boucle pas. Supposons
que la suite boucle, cčest à dire qučelle est
périodique à partir dčun certain rang. Dans ce cas, il
existe
(
) distincts tels que
et que
soit
minimum. Alors la suite prend des valeurs deux à deux
distinctes pour des indices compris (au sens large) entre
i et
, par hypothèse de
minimalité sur
. Comme la
suite est à valeurs dans
, on a donc
(
est lčensemble des valeurs que peut prendre
la suite, au nombre de m ; or, entre
xi et
, la suite prend par hypothèse des
valeurs deux à deux distinctes, au nombre de
).
Il existe donc tels que
et
, ainsi que
et
, soit
, dčoù
et
. On a aussi
et
, puisque
. p et q
étant supposés premiers entre eux, dčaprès le
théorème de Gauss, on a
et
. Dčautre part, si
, alors
lčégalité
entraîne clairement
, soit
, ce qui est exclu par
hypothèse. Donc
, et, de même,
. On a donc
et
, dčoù
, ce qui est absurde.
Ainsi, pour tout (
) pour lesquels la suite est définie,
. Or, la suite ne peut prendre que
valeurs distinctes, ce qui signifie que la
suite ne sera jamais définie pour des indices
supérieurs ou égaux à
m. Puisque si
,
est défini, on en déduit
qučil existe k tel que
. Il existe donc
tels que
et
, dčoù
, soit
, dčoù, p et q
étant premiers entre eux,
et
, dčoù
et
, et
.
étant par hypothèse
défini, on en déduit
(puisque
).
Donc ce parcours va faire passer le cavalier par les cases
, cčest à dire par
cases deux
à deux distinctes. Comme lčon demande au cavalier de passer
par les
cases
, on en déduit que le
cavalier va effectivement passer par toutes les cases
souhaitées. CQFD.
b.
Montrons qučun mur placé à
ne permet pas au cavalier de
passer par toutes les cases. Supposons, par symétrie des
rôles, que
. On
commence par exclure le cas où
. Dans ce cas, si
, on aurait
, cčest à dire que le
cavalier nčaurait pu faire que des déplacements de
cases, puisque tout déplacement de
p cases le ferait
dépasser les limites. Le cavalier ne pourrait donc pas
atteindre les cases de numéro impair, ce qui conclut la
démonstration.
Nous allons introduire la notion de classe de congruence modulo
q. La classe de congruence de
a modulo
q est lčensemble des entiers congrus
à a modulo
q, cčest à dire
sčécrivant sous la forme (
). Dans ce qui suit, on sous-entendra le
« de congruence modulo q ».
Montrons qučil existe exactement q classes : celle de 0 (lčensemble des
multiples de p), celle de 1,, celle de
et celle de
.
Dčaprès la définition, la différence de deux
entiers dčune même classe est divisible par q, puisqučon a
, que divise
q. Comme la
différence de deux entiers distincts de
appartient clairement à
, elle ne peut être divisible par
q, et les classes de 0,
1,..,
sont donc distinctes. En revanche, tout
entier nčappartenant pas à
appartient
clairement à la classe du reste de sa division euclidienne par
q.
Il sčensuit que les q classes que sont celle de 0, celle de 1,, celle de
sont deux
à deux distinctes, et que ce sont les seules. Il existe donc
q classes.
Dčautre part, les classes de 0, p,,
sont deux à deux distinctes, car si
kp et
étaient dans la même classe
(avec
et
), alors
, dčoù, p et
q étant premiers
entre eux, dčaprès le théorème de Gauss,
. Comme la différence de
deux entiers distincts de
appartient clairement à
, elle ne peut être divisible par
q, kp et
sont dans des classes distinctes.
Lčensemble des q classes
que sont celle de 0, celle de p,, celle de est donc égal à lčensemble de
toutes les classes.
La démonstration suivante repose sur le dénombrement
des classes que le cavalier peut atteindre. Nous allons montrer que
le cavalier ne peut pas atteindre plus de
classes, ce qui sera suffisant pour
conclure la démonstration, puisqučil existe clairement des
éléments de chacune les classes dans
, puisque p est supposé supérieur
à 1, cčest à dire que
. Remarquons
tout de suite que la classe sur laquelle se trouve le cavalier
après un certain nombre de coups ne dépend que du
nombre de déplacement de p cases qučil aura fait et de leur sens, puisque la classe
ne change pas lorsque le cavalier se déplace de
q cases.
Pour pouvoir avancer de p cases, il faut se trouver dans une
case de , pour
pouvoir reculer de p cases, il faut se trouver dans une
case de
. Comme
chaque classe est représentée au plus une fois dans
et une fois dans
, et que tout changement de classe
nécessite un déplacement de p cases, il apparaît que si un
cavalier se trouve dans la classe de
a, un quelconque
déplacement (de
p ou de
q cases) va soit le laisser dans cette
même classe, soit lčamener dans la classe de
, soit lčamener dans la classe de
.
Ainsi, le cavalier en partant de la classe de 0, pourra atteindre
les classes de la forme p,
2p,, kp, où la classe de
kp est une classe qui nčest pas
représentée dans G (il en existe nécessairement
une, puisque seules classes y
sont présentes &endash; on a donc
, ce qui assure que les classes sont deux
à deux distinctes), si bien qučelle nčest pas liée
à la classe de
(on ne peut
pas avancer de p cases en partant dčune case de
G). On pourra de même reculer, et
ce pour atteindre les classes de la forme
,
,,
. Mais comme pour tout
, les
classes de ip et de
sont liées, cela signifie que pour
tout
, la classe de
ip est
représentée dans
G, ce qui implique que
le nombre de classes que le cavalier peut atteindre est égal
au nombre de cases dans
G plus une (la classe
de kp), et donc que le cavalier ne peut
atteindre que
classes, ce
qui achève la démonstration. CQFD.
Ainsi, pour , le cavalier peut ne atteindre peut pas
atteindre les q classes, cčest à dire qučil ne
peut pas passer par toutes les cases.
La plus petite valeur possible pour m est donc
, ce qui correspond à une bande de
cases.
VI. Le cas bidimensionnel
On peut également se poser la question suivante (qui va
expliquer le titre de lčexposé) : on se donne un
« cavalier » qui se déplace sur un
échiquier selon des
pas de p cases dans un sens, suivies de pas de
q cases dans une direction
perpendiculaire. Dans le cas du cavalier du jeu dčéchecs, on a
ainsi
et
. On demande quelle est la plus petite
valeur de m telle que
le cavalier, en partant dčun case quelconque du lčéchiquier,
puisse atteindre toutes les cases de celui-ci.
Nous nčavons pas entièrement résolu ce
problème. Toutefois, nous avons dégagé quelques
minorations intéressantes. On supposera ici aussi, par
symétrie, que . En revanche, on nčaura pas
nécessairement
.
Tout dčabord, on peut remarquer que lčabscisse du cavalier varie
à chaque mouvement ou de
p, ou de
q. Si le cavalier passe
par toutes les cases, alors son abscisse prendra aussi toutes les
valeurs de , ce qui
nous ramène au problème précédent,
à une unité près (puisque lors du
problème initial, la bande de déplacement étant
numérotée à partir de 0, et ici, à partir
de 1). On a donc nécessairement
, et
.
Dčautre part, lorsque le cavalier se trouve sur la case
(où [] désigne la partie
entière), il doit pouvoir faire au moins un
déplacement. Si lčon ne tient pas compte des problèmes
de borne, les 8 cases atteignables par le cavalier sont celles de
coordonnées
et
. Au moins
lčune dčentre elles appartient à
, dčoù
ou
.
On a donc nécessairement , ce qui est plus fort que la
minoration précédente, mais ne nous aurait pas fourni
la condition
.
MOTS CLEFS SAUTS DE CAVALIER PGCD VECTEURS ENTIERS COMBINAISON LINÉAIRE FROBENIUS
Comptes Rendus MATh.enJEANS, 04-04 ©MATH.enJEANS, 2005